Entretien avec Renny Aupetit, membre fondateur de la plateforme des libraires parisiens
Pour résister localement aux GAFA, le lancement de sites de commerce en ligne et autres marketplaces territoriales est souvent invoqué comme l’arme fatale. Mais le passage à l’acte est complexe : fédérer un nombre significatif de commerçants, gérer les stocks et la logistique commune, la facturation …
La réussite de librest.com est d’autant plus remarquable. La plateforme locale, qui fédère 9 librairies indépendantes de Paris et sa proche couronne, propose un service « premium » à ses clients … qui reste pourtant gratuit ! Renny Aupetit en a été un des principaux instigateurs.
Comment l’initiative Librest est-elle née ?
Librest, c’est au départ la volonté de libraires indépendants de se constituer en association pour échanger sur nos métiers et proposer des événements culturels en dehors de nos murs.
Mais très vite, nous nous sommes rendu compte que le web était un puissant outil pour proposer un service supplémentaire, en mettant nos forces en commun. Avec en tête la nécessité de proposer un peu plus au client : un service plus rapide, plus incarné, plus social qu’Amazon …
Le dispositif est très bien rodé : pouvez-vous en dire quelques mots ?
Le principe est simple : la commande est faite sur le site par le client, qui a ainsi accès à nos 300.000 références communes. Elle peut être livrée et retirée dans la librairie de son choix, en une demi-journée. Le client peut payer directement en ligne ou lors du retrait, on ne pousse pas à l’achat en un clic … Ce qui est plus important à nos yeux, c’est que le client vienne en librairie.
Une de nos forces, c’est de disposer d’un entrepôt commun, que nous avons acquis à travers le rachat d’une société de distribution. Nous maîtrisons notre logistique, parce que nous avons su nous regrouper au bon moment pour acquérir cette société.
Pas de couacs sur les principales chausses trappes de ce type de dispositifs : gestion des stocks, facturation … ?
Chaque libraire vend ses livres : un livre commandé sur le stock de la librairie « La Manoeuvre », et retiré au « Comptoir des Mots », sera vendu au client par le Comptoir des Mots, et payé par le Comptoir des Mots à la Manœuvre.
La facturation inter librairies se fait mensuellement, de façon très fluide. Nous nous faisons confiance, ce qui est une évidente condition de réussite.
Ce type de dispositif peut-il être reproduit pour d’autres types de commerces ?
Si on l’a fait, d’autres peuvent le faire : il faut simplement avoir envie de bosser avec ses collègues et concurrents. Et nous n’avons rien inventé : nous sommes des indépendants qui se regroupent sous une même marque, tout comme les Leclerc, Intermarché, Système U …
Le prix unique des livres reste néanmoins un gros avantage : on n’a pas à se prendre le chou sur l’aspect financier, personne ne peut casser les prix.
Comment librest.com peut-il évoluer ?
La seconde génération, nous l’avons lancée il y a 8 ans à l’échelle de la France entière avec le site lalibrairie.com, qui fédère 2.500 commerçants culturels : librairies, marchands de journaux, presses … Le principe est le même, il place le magasin physique et l’individu au centre de la relation. Notre slogan : le lien social plutôt que l’évasion fiscale.
Crédits photos : Le Comptoir des Mots