Acculturation numérique, nouvelles vocations commerçantes, mode d’emploi du dispositif … autant de chantiers encore peu explorés
On a déjà eu l’occasion de dire le bien que l’on pensait du dispositif Action Cœur de Ville, et du rapport qui a été rendu sur le sujet à Jacques Mézard par André Marcon.
La volonté d’encourager l’initiative et l’investissement en centres-villes est un évident point fort, qu’il s’agisse des aides diverses aux entrepreneurs commerçants, de la création de zones franches pour soutenir l’activité de ceux qui sont déjà là, ou encore de soutenir la création de foncières adaptées aux actifs de pieds d’immeubles sur ce type de territoires.
Le principe de contractualisation entre État et territoires (Villes avec le soutien de leurs EPCI) est également un axe important, qui envoie un message clair : l’État est prêt à soutenir les villes, mais pas à tenir le crayon – autrement dit, aux villes de prendre l’initiative de bâtir une stratégie de revitalisation locale, et d’entraîner leur agglomération dans la démarche.
Enfin, le rapport Marcon invite à sortir de la vision monofonctionnelle ne ciblant que l’activité commerciale, pour élargir les périmètres d’intervention à l’ensemble des fonctions et usages dont dépend l’attractivité du centre-ville : habitat, activités, services publics, événements, accessibilité, marketing territorial …
Trois volets mériteraient toutefois d’être mieux pris en compte, pour rendre le dispositif plus opérationnel et « à l’épreuve du terrain » …
La question de l’acculturation des commerçants aux enjeux de présence et visibilité numérique, tout d’abord. Beaucoup a été proposé sur les outils d’aide à la vente et les services associés : marketplaces locales, sites de e-commerce, conciergeries numériques … Mais ce type de dispositifs s’adresse à des publics de commerçants ayant déjà négocié le virage numérique, familiers de ce nouvel environnement. Force est pourtant de constater que dans les faits, on est loin du compte – un exemple pour s’en convaincre : sur une des villes concernées par le plan, plus de 60% des commerçants interrogés lors d’une enquête récente déclaraient disposer d’un site de e-commerce – après vérifications, il s’agissait plus de simples pages Facebook … dans le meilleur des cas.
L’acculturation de l’ensemble des commerçants d’un centre-ville aux enjeux fondamentaux de présence sur les réseaux sociaux et sites de référencement, de bonne gestion de leur image numérique, de participation active à une collectivité digitale de leur centre-ville … est un premier pas fondamental, qui n’est pourtant presque jamais abordé dans les différents projets de revitalisation.
Le volet dédié à la transmission de commerces est un point qui est développé par le rapport Marcon, mais principalement sous l’angle fiscal. Sur ce sujet, les difficultés portent pourtant au moins autant sur le recrutement de candidats repreneurs que sur la question financière. Comment susciter les vocations de commerçants, en particulier pour les commerces de bouche et l’artisanat ? Comment inciter les commerçants dont la date de la retraite approche à recruter et former suffisamment tôt un « bras droit », potentiel repreneur ? Comment attirer les candidats « néo commerçants » (dont le profil est esquissé par Jean-Laurent Cassely) dans les villes moyennes ? Autant de chantiers qui doivent être explorés, au moment où de nombreux commerçants préparent leur retraite, en parallèle de la réforme de l’apprentissage dont le projet a été récemment annoncé par le gouvernement.
Enfin, le mode d’emploi pour Action Cœur de Ville reste à préciser. A l’échelle des villes, le mode de constitution d’un dossier de candidature, les critères principaux qui seront retenus, les typologies de projets éligibles à un financement … sont autant d’interrogations qui doivent être levées. Si l’ambition est vaste et les moyens sont conséquents, il manque le « chemin de fer » qui permettra aux villes éligibles de se lancer dans l’aventure avec une vision précise des enjeux, des objectifs, ainsi que du retour sur investissement.
Gageons que le retour d‘expériences suite à la sélection imminente des premières villes retenus permettra de clarifier ce mode d’emploi … sans tomber dans l’excès inverse du tout administratif (qu’on a pu par exemple observer sur certains projets de rénovation urbaine …)