Faut-il opposer les « ORT » aux « OSER » ? Vous le saurez en lisant ces lignes !
Le 19 avril dernier, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, rapporteurs du groupe de travail sénatorial sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, remettaient leur copie sous forme d’une proposition de loi. Outre les auditions de professionnels de tous bords, la proposition s’appuie sur les retours d’une consultation nationale auprès de 4.000 élus locaux.
Selon la formulation offensive de ses rapporteurs, le dispositif se dit plus ambitieux que le programme Action Cœur de Ville, perçu comme un outil « recentralisateur » (comprendre, à la main du gouvernement). Dans les faits, ses mesures apparaissent plus comme un palier supplémentaire du programme, permettant d’adresser la problématique à l’échelle de l’ensemble du territoire, et d’explorer de nouvelles pistes audacieuses. Périmètre « d’ORT » (pour « Opération de Revitalisation des Centres-Villes ») côté gouvernement, ou périmètre « OSER » (pour « Opérations de Sauvegarde Economique et de Redynamisation) … par-delà les batailles sur les sigles, il s’agit bien d’outiller les centres-villes pour renforcer leur attractivité tant économique que résidentielle.
Parmi la batterie de mesures proposées, la volonté de partir du point de vue des commerçants, de comprendre leurs contraintes de fonctionnement pour les alléger, de faciliter l’entrepreneuriat local, est notable. Le dispositif propose ainsi des allègements fiscaux adaptés, via notamment l’exonération des bénéfices des entreprises de moins de vingt salariés implantées sur les périmètres de centres-villes, sur une période donnée.
Il s’attaque également à la question des transmissions d’entreprises commerciales sur les périmètres de centres-villes et centres-bourgs, qui est un enjeu de taille sur les dix prochaines années, avec des exonérations ciblées.
La proposition de loi se veut également incitative pour faciliter la mise à disposition de locaux commerciaux modernisés, dans des conditions locatives adaptées.
La création d’un nouveau « contrat de mise à disposition de local commercial », avec une durée négociée entre les parties, sans droit au bail, dont le loyer serait indexé au chiffre d’affaires, semble bien plus adaptée aux conditions actuelles d’exercice du métier de commerçant – les grandes foncières ne s’y sont d’ailleurs pas trompées, puisque ce nouveau contrat semble directement inspiré de leurs pratiques.
L’investissement de sociétés cotées (SIIC) dans les locaux de centres-villes est encouragé : celles-ci devront jouer le jeu, au risque de perdre leur régime d’exonération d’IS. Reste à savoir si ces acteurs auront un intérêt à investir dans la rénovation des locaux, et avec quels soutiens opérationnels.
Enfin, il est proposé de créer un fonds de garantie pour les loyers commerciaux impayés dans les centres-villes, afin de sécuriser les propriétaires angoissés.
Sur les questions de planification et stratégie urbaine, la proposition de loi insiste sur la nécessaire prise en compte des enjeux de préservation des centres-villes dans les futurs documents réglementaires – c’est le retour du DAAC obligatoire et prescriptif, qui devient tout de même une arlésienne pour la profession …
Elle renforce par ailleurs l’obligation de démantèlement et de remise en état des sites sur lesquels une exploitation commerciale a cessé, afin probablement d’augmenter les coûts d’implantation sur des sites périphériques : un objectif louable qui avait déjà été évoqué à l’occasion de la loi ALUR, resté à ce jour dans les cartons.
Sur la question du financement des mesures, le groupe de travail sénatorial pointe clairement les accusés : grandes surfaces commerciales de périphérie et entrepôts logistiques liées au e-commerce sont sommés de verser une contribution au titre de la lutte contre l’artificialisation des terres. Une taxe sur les livraisons liées au commerce en ligne est également proposée.
La volonté d’équilibrer les règles du jeu en s’attaquant enfin à la fiscalité des commerces numériques est louable. Le ciblage des grandes surfaces, à une période charnière de remise en question de leur modèle, semble lui plus à contre-temps.
En synthèse, on retiendra l’ambition importante, qui touche tous les périmètres de centres-villes et centres-bourgs, sur l’ensemble des usages et fonctions urbaines (on ne s’est attardé ici que sur le volet commercial), sans faire l’impasse sur les nécessaires dispositifs incitatifs. La volonté affichée des sénateurs est de ne pas faire dépendre le dispositif d’un accord avec l’Etat, sous forme de contractualisation : reste à savoir si tous les élus concernés sauront prendre les initiatives nécessaires pour convaincre à l’échelle de leurs territoires.